Carnet de route

Stage d'alpinisme en Vallouise
Sortie : Semaine d'alpinisme du 17/06/2023
Le 25/06/2023 par Éric, Nathanaël, Simon et Mehmet
17 juin : départ
Récit de Éric
La volonté de participer à un stage alpi avec le CAF remontait à mars 2020… je devais faire partie de l’effectif d’un week-end Vosgien les 14 et 15 mars 2020. Tous les médias parlaient du « cluster » de Mulhouse, important foyer de contamination, on ne pensait pas que cela nous toucherait aussi et que ce tout nouveau virus, allait vraiment nous pourrir la vie ! Laurent Calvignac responsable du stage décida d’annuler…le 17 mars, nous étions confinés !
S’en sont suivies d’autres annulations : jusqu’au Grand Parcours 2023 pour cause de mauvais temps, vraiment rien n’allait bien.
C’est dire que j’attendais, vraiment que ce stage dans les Ecrins.
Rendez-vous était pris pour le samedi 17 juin 2023 à 7 h 30 devant Chullanka. Voyage impec en deux voitures (Laurent Hesse, Julien, Olivier et Nathanaël)(Mehmet, Simon et moi-même), Laurent Calvignac et Lingyi étaient déjà surplace.
Arrivée au camping d’Ailefroide en fin d’après-midi ; le voyage nous avait permis, dans chaque voiture de faire un peu mieux connaissance. Dans la nôtre, de découvrir Mehmet, qui dès que l’on fut arrivé dans les Alpes, appréciait chaque paroi de montagne et estimait qu’il pouvait la faire, ou pas. Il disait rarement non impossible mais plutôt « celle-là en une journée tout seul ou à deux » « pas facile mais je la tenterai aussi celle-ci ! » et oui un personnage Mehmet, une volonté et une énergie débordante, une sympathie et un optimisme à toute épreuve, beaucoup d’humour et curieux de tout… c’était règlé il serait la « mascotte de ce groupe » et cela ne s’est pas démenti…
Camping d’Ailefroide, quel endroit extra…dans une vallée étroite, encadrée de voies et de parois d’escalade. Tout autour des sites de bloc aussi. Le Pelvoux au bout, vers le pré de Mme Carle, et puis des torrents, de grands arbres, de la prairie tondue, des emplacements un peu partout, presque du camping sauvage, mais avec les commodités.
On s’est installé, chacun avec son matos, mais surtout Julien qui était super équipé…réchaud, chaises, victuailles pour un régiment bref, le type qui nous a sauvés bien souvent. Olivier avait ramené une table dont on s’est moqué, mais autour de laquelle on s’est tous retrouvés pour un apéro et un repas enchainé : chacun avait apporté un truc à manger et à boire on a tout partagé, Mehmet avait de quoi faire des pâtes et voilà si l’on se connaissant presque tous, le « ciment » était pris, ce serait un super groupe. Les discussions fuseraient toute la semaine, les plaisanteries aussi.
On a parlé de tout, Simon Pligot, Laurent Calvignac et Laurent Hesse, étaient déjà harcelés de questions, ce n’était que le début…On ne les lâcherait pas. Le grand souci de la soirée était de faire notre sac d’alpi, surtout pour les novices comme moi. Ce fût la grande activité post repas. Je dois tout de suite les remercier tous les trois, nos formateurs : disponibilité, patience, compétences, justesse de jugement et de choix ! Partage de leurs expériences et surtout leur volonté de nous amener à prendre conscience qu’il faut évaluer les conditions et essayer de faire le meilleur choix.
18 juin : montée au refuge du Glacier Blanc
Le lendemain on a quitté le camping direction le près de Mme Carle. Le joli refuge, lieu historique du départ de tant de courses des pionniers de l’alpinisme était là intact et superbe au pied du Pelvoux. En revanche, les glaciers Blanc et Noir qui se rejoignaient non loin de là, avaient beaucoup reculé. Nous avons pris alors le sentier vers le refuge du Glacier Blanc. Arrivée vers midi, pas mal de monde, c’était dimanche… après un repas frugal au soleil et face au Pelvoux sur la terrasse du refuge, on a pris notre matériel de neige direction une face au Nord Est, tout près, sous la pointe des Cinéastes et de la Montagne des Agneaux. Le temps était devenu médiocre, quelques averses, neige humide et peu compacte, tant pis on continue…et ce fût un bon choix !
Nos formateurs, plus que de nous expliquer les techniques nous ont proposé des exercices afin de découvrir et comprendre les choses. Nous observant et nous conseillant.
S’arrêter dans une pente sans piolet ni crampons Puis avec piolet, dans différents cas sur le dos sur le ventre etc. Par endroit ça « brassait » fort (j’ai découvert que ça signifiait, s’enfoncer beaucoup !) et ce n’est pas ce que l’on a de plus facile ni de moins fatiguant ! Explications sur la différence avec crampons puis essais. Enfin, on s’est encordés par deux.
Là, des consignes précises, sur le rôle du 1er de cordée, la longueur d’encordement, la pose des appuis et l’utilisation des crampons dans la neige.
Puis des chutes feintes du second et comment l’arrêter. Idem dans des pentes plus raides.
On n’était pas allé loin mais ces montées- descentes – glissades- récupérations ajoutée à une montée au refuge déjà soutenue le matin, tout cela avait ouvert l’appétit pour notre premier repas au refuge et donné soif… pour une bonne bière cela va de soi.
La nuit au refuge fut assez longue, ce serait la seule ou presque, on s’est levé à 7 h du matin. En revanche, il faut parler de l’ambiance du lieu. Grande chambrée, chaleur des dortoirs, fenêtre ouverte pour respirer, laissant entrer le vent et le souffle de la nuit. Pas toujours facile de trouver le sommeil : bruit du torrent, ronflements, mouvements des uns et des autres, tension ou excitation en vue de la journée du lendemain. Le refuge c’est aussi un lieu de rencontre, on échange avec les autres cordées, expériences, projet, rencontres brèves mais exaltantes.
On avait partagé un bon repas, comme ça le serait à chaque fois, cuisine simple, copieuse et excellente : soupe évidement, celle qui vous retape l’alpiniste déshydraté, puis un plat mijoté avec polenta aux légumes ce soir-là, un dessert fait maison, du pain rustique souvent fait sur place. Le tout avec des produits régionaux en général, voir bio. Ah on se sent bien après cela. La courte soirée, serait consacrée encore à la préparation du sac ! et surtout à la consultation de la carte et de la « Bible » de l’alpiniste dans les Ecrins : l’incontournable topo de Sébastien CONSTANT. Les élucubrations sur les probables courses des jours suivants allaient bon train. Rien de précis, ils étaient évasifs et désappointant ces formateurs… cela dépendait toujours des conditions… « il faudra voir » disaient-ils ! ! ! On n’avait jamais le programme précis que nous souhaitions connaitre… suspense ! on comprendrait que c’était surtout de sages précautions, jamais de certitudes hâtives.
19 juin : montée au refuge des Écrins
Le lundi le programme était la montée au refuge des Ecrins, mais d’abord des exercices sur rocher, sur un site proche du refuge. La pluie annoncée pour le cours de la matinée nous a incités à rester tout près et nous avons alors expérimenté les techniques de progression : longueur de l’encordement, corde tendue, pose de protections : sangle avec mousqueton, dégaine longue. Puis surtout le choix de l’endroit pour poser la sangle (le rocher doit être vraiment solide et stable surtout dans les Ecrins !) et bien sûr le « pourquoi « de ce choix. Puis comment et quand « tirer une longueur » et aussi l’utilisation des coinceurs et frends. Puis également une descente en rappel à partir d’un relais.
En début d’après-midi nous sommes partis sur le glacier Blanc que nous avons rapidement rejoint. Impressionnant et majestueux. Beaucoup de neige, peu de crevasses visibles. Certes on savait qu’il avait beaucoup reculé et perdu d’épaisseur, mais il restait gigantesque. On apprendrait, lors de conférences au refuge des Ecrins puis à celui du Sélé, qu’il faisait encore 200m d’épaisseur en moyenne, pour un maximum de plus de 300m. Qu’il abritait une vie insoupçonnée : algues, planctons organismes microscopiques, insectes ou autres animaux.
Très vite nous avons été en contact avec la glace pour quelques exercices d’utilisation des crampons, dans différentes postures, progression dans la pente ou traversée. La souplesse des chevilles (hommage au grand guide référence : Armand Charlet) a été mise à rude épreuve. Je n’étais pas toujours à l’aise ni rassuré ! Ensuite, ce fût l’encordement sur glacier en cordée de 3. La consigne de corde tendue étant impérative. Il y avait 600 m de dénivelé à prendre et il faisait chaud. Le glacier et le vent nous rafraichissait !
La dernière partie qui consistait à gravir l’éperon en haut duquel était posé le refuge des Ecrins acheva de m’épuiser… on était à plus de 3000 m. L’effort devenait plus difficile.
Le refuge était là, avec un spectacle exceptionnel, les sommets de part et d’autre du Glacier Blanc, les faces nord, plus impressionnantes avec au bout et en face de nous, la Barre des Ecrins, ses glaciers et séracs impressionnants ! La Barre dans les nuages ne se dévoilait pas tout à fait. Parfois on apercevait le Dôme. La soirée au refuge fût courte, on se lèverait à 4 h du matin, objectif le sommet de la Roche Faurio. Le temps s’annonçait nuageux avec des éclaircies, mais surtout venteux. 75 km de vent…on verrait !
Le gardien du refuge, Damien, une personnalité qui s’impose de suite : gouaille et répartie fulgurante, nous a fait son petit discours d’avant repas, avant d’être applaudi : prévisions météo du lendemain, infos sur l’enneigement des couloirs et des courses qui ont été réalisées, le tout émaillé d’anecdotes cocasses, des risques d’envol en référence au vent annoncé… et une certitude, « il n’était pas Mme Irma » ! C’était tout de même très encourageant. Il y avait de la neige en quantité et cela permettrait d’avoir le choix sur nos courses futures, même si le temps était doux et sans regel nocturne.
20 juin : Roche Faurio (3750)
Récit de Nathanaël
Il est 5 h, l’équipe s’apprête a partir pour le sommet sus-cité. Armé de nos cordes, casques et autres baudriers, nous entamons la descente du refuge vers le glacier blanc.
(Note de l’auteur : devant la recrudescence des piolets de type Summit Evo, pour des questions de logistique, il est fortement conseillé de vérifier le nombre et le type de piolets par alpiniste avant tout départ précipité du refuge)
Arrivés sur le glacier, nous nous encordons par trois avec environ 10-15m de distance (on peut augmenter les longueurs parce que le terrain n’est pas très pentu). Le premier de cordée est le plus expérimenté, le second débute et le dernier est situé quelque part entre les deux. Fort et fier de mon expérience d’environ deux sorties sur les sommets rocheux du Vercors, je pars donc troisième derrière Mehmet et Laurent H. La traversée du glacier se fait tranquillement en marchant corde tendue sur la neige du glacier blanc. Au pied de notre objectif du jour, nous réduisons la longueur d’encordement a environ 2-3m, le but étant d’anticiper toute chute parce qu’une fois que le compagnon de cordée a pris de la vitesse, c’est quasi impossible de le retenir…
Bref, on part confiant dans la neige, tout le début est une marche sur une pente a 20-25⁰ donc je suis plutôt confiant (je vous ai déjà parlé de mes 2 sorties dans le Vercors ?) Mais à l’approche du sommet le chemin se rétrécit et passe au-dessus de quelques rochers, ce sera le crux du jour et je fais tout de suite moins le malin. Techniquement, ce n’est pas trop dur mais il faut être vigilant (cela pourrait d’ailleurs résumer l’alpinisme F/PD-). On arrive enfin au pied de la dernière partie rocheuse à la cote 3600m et là, comme nous l’avait annoncé le gardien du refuge (ou Dieu pour les riverains), c’est venteux, et même très venteux. Alors compte tenu de notre expérience et de la petite vire qu’il fallait suivre, exposée et sans points de sécurité, nous avons vite cédé aux sirènes de la raison pour redescendre vers le col des écrins avec une magnifique vue sur la barre du même nom et ses séracs !
Après une séance d’apprentissage du mouflage Mariner triple (ça semble compliqué ? Oui ? Eh bien ça l’est), nous rentrons au refuge pour le fameux BBD (Bière Bouffe Dodo, non, non, même après 4 jours le D ne veut toujours pas dire Douche).
21 juin : Neige Cordier (3614m)
Même tarif aujourd’hui, c’est un départ à 5 h pour le pic de neige cordier. Cette fois, on ne passe pas par le glacier, on s’encorde quasiment dès le refuge et on marche vers la première difficulté du jour : le couloir qui mène au col Émile Pic. Au début on prend des marches bien taillées mais juste avant le col, Laurent C part devant avec un peu plus de mou parce qu’il y a moins de neige et que la roche a une fâcheuse tendance à rester dans les mains de celui qui la serre un peu trop fort. Arrivé au col, il s’installe pour nous assurer, Eric et moi, corde dans le dos, à l’ancienne.
Une fois au col (3483m), on profite d’un joli panorama sur les montagnes alentours, col des agneaux, Meije, la Grande Ruine. Confiant (trop confiant ?), je prends la tête de la cordée dans le couloir de neige qui monte sur l’arrête (on a choisi de ne pas monter directement par l’arête rocheuse). La neige est très molle et on progresse lentement avec la fameuse méthode du « un pas en avant, trois en arrière » jusqu’à arriver à un passage où une fine couche de glace recouvre un ramassis de cailloux instables. Je rassemble alors tout mon courage et demande à Laurent C. de reprendre la tête. Il nous emmènera sans soucis jusqu’au sommet puis, après un petit shooting photos, nous redescendrons par l’arête rocheuse techniquement beaucoup plus facile.
Les novices tels que moi pourraient penser qu’une fois le sommet atteint, le plus dur est fait et qu’il ne reste plus qu’à aller conter nos exploits dans la vallée. Mais non, la descente me semble même plus dure que la montée. En tout cas, elle demande au moins autant de vigilance. Attention par exemple aux rappels dans les cailloux, il faut être sûr que la corde ne se coince pas quand on la tire du bas. Attention aussi aux sangles des relais qui peuvent tenir… ou pas. Heureusement, pour nous, tout se passe sans encombre et on peut redescendre au refuge du Glacier blanc en passant par ce dernier dont les crevasses ont bien grandi en quelques jours, c’est magnifique !
La suite, vous connaissez, c’est le BBD
22 juin : journée de repos
Récit de Simon
Merci Nathanael je prends la tête pour la suite du CR
Après avoir finalement pris la décision hier soir de ne pas faire de course aujourd’hui au vu de la météo annoncée nous nous levons à 7 h.
Nous pourrons constater que notre décision fut bonne en voyant la pluie tomber à grosses gouttes. Nous prenons le temps de déjeuner, puis nous profitons de l’abri de la salle à manger du refuge pour faire un bilan de milieu de stage et une revue des compétences déjà vues, à aborder ou à revoir.
Finalement nous entamons la descente sous une pluie alternant les passages soutenus ou plus aérés.
Arrivés au pré de madame Carle une fois les sacs dans les voitures nous faisons le point sur la suite de la journée devant une tournée de cappuccinos fumants. La première étape sera de trouver un lieu pour manger au chaud à midi.
Nous ferons étape dans un sympathique restaurant d’Ailefroide qui nous permettra de sécher un peu et surtout de faire naître des idées pour la suite. En effet, il était prévu de retourner au camping ce soir mais la pluie à peu près continue n’enflamme pas les enthousiasmes. Finalement émerge l’idée d’envoyer un groupe d’éclaireurs au chalet du CAF « l’Eychauda » à Vallouise.
Nous nous y présentons à 15 h pour apprendre avec plaisir qu’il reste de la place pour nous accueillir tous les neufs ! Cette halte « en dur » est bienvenue pour tout le monde et nous permet de faire sécher toutes nos affaires sous le soleil revenu dans l’après-midi, et de profiter du confort d’une simple douche et de chambre moins remplies qu’un dortoir !
Grace à nos 2 plus sympathiques ambassadeurs nous pourrons même avoir accès à la salle d’escalade du CAF de Guillestre située juste à côté. (Pour y avoir accès pour de vrai il aurait fallu une convention entre nos 2 clubs).
Et une fois tout le monde douché la soirée se clôturera par un très bon moment dans un restaurant un peu plus bas dans le village.
Et oui, les stages d’alpinisme sont assez exigeants, il ne faut pas avoir peur de faire 2 restos dans la même journée !
23 juin : montée au refuge du Sélé
Aujourd’hui le programme n’est pas trop chargé il faut « juste » monter au refuge du Sélé. Ça représente malgré tout une rando d’environ 6km pour 1000m de dénivelé. Un premier groupe de 4 se met en route peu après 10 h pour essayer d’éviter le plus chaud de l’après-midi, tandis que 5 autres d’entre nous prennent 1 h pour aller voir et grimper (un peu) sur les blocs d’Ailefroide.
La montée vers le refuge se déroule dans une très belle vallée. La rando commence gentiment dans les sous-bois justes derrière le camping puis, quand les arbres se font plus rares, de magnifiques et hautes cascades donnent de l’ampleur à la vallée. La fatigue des jours passés et la chaleur de l’après-midi me rendent la montée au refuge particulièrement pénible. Mais la variété des paysages traversés permet de passer outre les difficultés. Plus haut, la végétation se raréfie jusqu’à parvenir à une zone plane et minérale au pied du dernier contrefort rocheux. Ce dernier obstacle est équipé de câbles une cascade grondante nous rafraîchit de ses embruns pendant la montée.
Enfin arrivés au refuge une fois le groupe réuni, quelque uns partent repérer le début de la course du lendemain pour éviter un faux départ de bon matin. Cette reconnaissance n’est pas inutile du tout vu les difficultés que l’on aura à trouver la trace en pleine lumière !
Il est enfin temps de terminer cette journée autour de boissons fraiches, en profitant d’une conférence donnée par des gardes du parc des Ecrins puis de parler de la course du lendemain.
Mais ça c’est Mehmet qui va en parler.
Le 23 juin : L’Ailefroide Orientale
Récit de Mehmet
Il est environ 3 h 30, nuit noire, sans étoiles, on a du mal a distinguer les silhouettes et les rochers a 5m devant nous sans lampes frontales. Il ne fait pas si froid que ça pour les 2510m où le refuge du Sélé est perché. Et nous nous pressons tout de même, la météo a annoncé environ 20 degrés pour le début d’après-midi… la neige dans les descentes au retour, sera molle, rendant la progression plus difficile...
Nous entendons les frottements des vêtements, les cliquetis des mousquetons et le bruit de nos pas, assez lourds, nos respirations fortes, il n’y a pas de discussions, personne ne parle, chacun est concentré, ce sera notre dernière ascension, la plus physique et sûrement la meilleure.
Par moment, nous essayons de voir les formes des montagnes, mais rien, la nuit est noire. Nous avons même concentré quelques lampes frontales dans la même direction, rien n’y fait. Mais au bout d’environ 1 heure, avec l’aube, nous arrivons tout doucement a entrapercevoir les sommets et les montagnes. En revanche, avec la concentration nécessaire pour avancer, nous ne pouvons pas nous permettre de trop détourner les regards de nos pieds. Mais quelques minutes plus tard, alors que les tous premiers rayons de soleil sont passés par-dessus la cime de l’Ailefroide Occidentale face à nous, la magie a opéré dans nos esprits. Dans la vallée, excités, nous nous retournons aussi souvent que nous pouvons pour voir les montagnes derrière nous briller, et plus les minutes passent, plus éclatants sont les rayons qui illuminent tel des milliers de miroirs toute la neige, les glaciers aussi plus l’ombre qui était sur nous perd de territoire. Ainsi, une certaine délivrance nous rattrape, délivrance pas uniquement de la nuit, mais aussi de notre renfermement et du froid. Tout doucement les langues se délient. On admire en partageant nos ressentis et là devant cette merveille, cette magie, nous commençons à nous fondre dans la montagne, à en faire partie. Cela vaut très certainement mieux avant ses 50 ans qu’une montre Rolex...
Nous marchons depuis un certain temps dans la neige avec nos crampons, 3 cordées de 3 jusqu’à ce que nous nous présentions devant un couloir assez vertical, couloir qui causa le seul accident de tout notre aventure de 9 jours : peut-être un pied trop relevé de la tête de cordée, peut-être le camarade en dessous qui s’etait trop rapproché de la tête de cordée, toujours est-il qu’il se prendra, assez violemment l’arrière du talon de la chaussure sur la lèvre supérieure, ce qui heureusement lui a seulement causé une plaie à la lèvre. Cela aura quand même inquiété les cordées suivantes en voyant les traces de sang sur tout le couloir. Beaucoup de sang pour pas grand-chose heureusement. Rappel à la prudence pour chaque instant, chaque seconde en montagne.
Après une petite pause en haut de ce couloir dorénavant inoubliable, puis en se congratulant mutuellement, nous reprenons notre périple vertigineux et grandiose en nous demandant à plusieurs reprises si le sommet est le point le plus haut que nous apercevons. Mais non, nous marchons et grimpons pour avaler un point visé par notre regard, puis le suivant, puis le suivant jusqu’à ce dôme de neige tant recherché et désiré, enfin la récompense ! Les visages s’illuminent, les regards se cherchent pour voir l’excitation dans les yeux de l’autre et quand nous arrivons au sommet, de « notre » AILEFROIDE ORIENTALE, à 3847m, nous pouvons enfin nous délester de nos charges et admirer les sommets visibles depuis notre territoire tel des conquérants : VENI VIDI VICI ! ! !
Nous pouvons voir la Barre des Ecrins, mais ayant une météo exceptionnellement claire, le Mont Blanc se distingue à l’horizon, fièrement, clairement, majestueusement et qui rappelons le, se trouve à environ 180 km a vol d’oiseau.
Le retour est très agréable, sans aucun doute, mais il est le signal de la fin. Même si nous avons fait une descente en rappel, désescaladé des falaises, descendu sur nos talons dans la neige pour nous amuser et redevenir des enfants quelques instants, le retour est le retour, comme pour toute excursion d’ailleurs.
Il ne faut surtout pas oublier que nous étions encadrés par 3 personnes très expérimentées et attentives, des bénévoles, ce qui ajoute des ondes positives puisqu’ils étaient là pour leur plaisir mais surtout pour partager leur expérience, nous conseiller ou faire des rappels de ce que nous avions déjà travaillé ou vu, toujours prêts à réexpliquer et partager avec nous.
L’équipe des 9 mousquetaires que nous étions, était sans aucun doute : « un pour tous, tous pour un ». Cette cohésion remarquable ajoute bien évidemment quelques rayons supplémentaires au soleil si généreux et chaleureux de ce jour.
Enfin, c’est l’arrivée au refuge, le verre pour se féliciter et la fin de cette excursion, de cette aventure de 9 jours. Comme tout aventurier, le souhait de remettre cela avec une ascension plus haute, plus difficile, un défi qui nous émerveillera encore plus, tout simplement parce qu’aucune aventure n’est identique à l’autre, répondre à cette vibration qui vient du fond de la poitrine dont on ne peut dire si elle vient du cerveau, tel un désir d’opium ou un appel du cœur, recherchant le bonheur, l’amour, l’apaisement. Bonheur qui peut être décrit différemment suivant la personne, mais comme l’amour, passionné, fou, qui n’est jamais à la hauteur des moments vécus.
Les montagnes seront toujours là, avec leur magie, leurs lumières, prêtes à nous accueillir et tant que nous les approcherons avec respect, elles nous offriront ce que même notre imagination n’arrivera jamais à nous donner.
C’est donc avec ces beaux rêves et projets, que nous avons profité de ce dernier après-midi puis soirée en montagne, au magnifique cadre du refuge du Sélé, sous un exceptionnel ciel étoilé sans pollution lumineuse ! Nous avons vécu une semaine hors du temps, découvert la haute montagne, appris beaucoup, mais surtout partagé. C’est certains nous y reviendrons tous.
Un dernier merci à nos encadrants et amis de cordée maintenant ! Laurent Calvignac, Laurent Hesse et Simon Pligot, pour tout ce qu’ils nous ont fait découvrir. Merci au CAF de permettre à de tels projets de se réaliser.